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Eloge du silence (II)

JUI 20, 2022

P.Alvaro di Maria, msp (espagnol

Il y a silences et silences …

Il y a le silence extérieur, mais il y a aussi silence intérieur. Quand ces deux silences sont “bons”, normalement le premier mène au second, et le second mène au premier. Mais attention, il y a aussi des silences “mauvais”, qu’ils soient extérieurs ou intérieurs.

Je m’explique par quelques exemples de ces deux types de silences.

Par le silence intérieur, en général, il s’agit de faire taire tout ce qui peut nous distraire et dévier de ce qui  réellement important (Dieu) :  mon “moi” (avec ses doses d’amour propre), les peurs, les passions, les tentations, les préoccupations (il faut s’occuper, mais ne pas se “préoccuper”). La préoccupation comporte un grand manque de confiance en Dieu et aboutit très facilement à l’anxiété, l’angoisse, c’est à dire à perdre la paix, ce qui, logiquement ; ne peut venir de Dieu ; “Soyez bien attentifs à ce que vos cœurs ne s’appesantissent pas dans (…) les ennuis de la vie” (Lc 21, 16).

Il arrive pourtant que nous pouvons aussi faire taire la voix de Dieu :  ce silence intérieur est mauvais. Nous pouvons entendre que le Seigneur nous demande quelque chose, ce “quelque chose de plus” qui, dans un premier temps, semble nous “déranger” parce que cela nous déstabiliserait, en bouleversant nos plans ;  alors on ne s’en occupe pas ;  nous mettons en “off” cette voix de notre conscience parce que Dieu nous parle au fond de notre esprit. Ainsi pour mieux faire taire cette voix divine, nous courons le très grand danger de chercher des “saints palliatifs” ou des prétextes ou autres, comme nous voulons les appeler.

Par exemple, même avec toute la bonté qu’ont les volontariats n tant que tels, que de jeunes recourent à eux comme “substituts” de don partiel et limité à ce don total et radical qu’ils croient (ou savent) que Dieu leur demande (Ainsi je fais taire ma conscience et je reste  - ou cherche à rester -  tranquille !…).

Tout comme des volontariats, il en va de même avec les “groupes de prière” qui font tant de bien !  Mais ceci me donne l’occasion pour un autre exemple parmi les nombreux que peut nous inspirer notre esprit plein de complications, animé par le  “père du mensonge” (Jn 8, 44) qui aime se déguiser en ange de lumière (2 Co 11, 14) ;  c’est à dire, par exemple, prétendre de s’engager encore plus dans la prière (surtout en participant à un groupe d’oraison), de telle façon de ne pas devoir céder à l’autre invitation d’un engagement apostolique plus sérieux. Bien sûr on peut donner aussi les cas inverse ;  tomber dans l’activisme pour faire taire l’invitation du Seigneur à se consacrer plus à la prière. Nous savons qu’ “in medio stat virtus” (“la vertu tient le juste milieu”) et combien il st maintes fois difficile de garder un sain équilibre.

Passons maintenant les dangers (ou les pièges) de certains silences extérieurs, surtout certains mutismes  - silences intentionnels, affectés -  par lesquels nous pouvons faire tant de dommages.

A cela s’ajoute la tendance à “faire de vice vertu” :  attention, toujours, au “père du mensonge” ne cesse jamais de chercher à  mettre sa patte partout. Dans les mariages, les familles, les communautés religieuses… il y a de ces  silences qui  “lapident” :  de ces types très sympathiques avec les visiteurs, hors de chez eux, mais comme des cactus desséchés à la maison.,On peut faire beaucoup de dommages par des actes, des paroles, par un simple geste, mais aussi par notre silence !  Il est certainement préférable de ne rien dire plutôt que de dire quelque chose dont nous pourrions avoir à nos repentir, mais il est mieux (ou,  peut-être, chose idéale) d’avoir un mot aimable ou du moins un sourire  expressif et qui sera toujours un exercice, et parfois héroïque, de charité effective, au lieu d’un silence par lequel nous pourrions montrer agacement ou notre manque de pardon.

Un autre exemple de silence extérieur condamnable est celui qu’on pourrait appeler de façon générale le péché par omission. Peut-être les péchés par omission ne sont-ils pas ceux dont nous sommes plus conscients et qui nous attristent plus facilement…, mais je crois que de n’avoir pas fait le bien que nous pouvions faire peut être plus grave  - sans, peut-être, qu’à cause de cela nous éprouvions remords de conscience -  que le mal que nous avons commis et dont nous pouvons toujours nos repentir.

Nous avons des exemples variés et significatifs de péchés par omission dans la pratique des œuvres de miséricorde, surtout  - et cela touche le sujet du silence -  dans celles de miséricorde spirituelle :  corriger qui se trompe, conseiller ceux qui sont dans le doute, consoler les affligés…

Voyons un thème dans le concret :  celui de la justice. Qui l’a subi déjà une fois sait comme il est difficile de se défendre face à une injure ou à une calomnie, qui pousse notre instinct de conservation  à se rebeller, en gardant le silence pas seulement extérieurement mais aussi en ne jugeant pas celui qui nous fait du mal, en ne permettant pas des désirs de vengeance, en ne se lamentant pas. Cependant je pense que de se maintenir en silence est chose héroïque lorsque nous le vivons avec la même disposition de patience, d’humilité et d’offrande qui ont été celles du Christ, l’Agneau innocent immolé auquel nous unit plus, avec une patience élevée à la plus haute puissance, le fait de suivre ses traces : “Affreusement traité, il s’humiliait, il n’ouvrait pas la bouche. Comme un agneau conduit à la boucherie, comme devant les tondeurs une brebis muette et n’ouvrant pas la bouche” (Is 53, 7).

Mais cela change (parce que cela doit changer) lorsque nous voyons que l’on commet des injustices contre quelqu’un, et spécialement contre les plus faibles :  alors là, oui, on doit parler on doit agir, en y mettant en œuvre la forme la plus radicale, même si ce n’est pas la seule, la mission prophétique qui nous a été donnée dans notre baptême. En ces cas là notre silence nous rendrait complices de l’injustice commise, et participants à ce péché. Très condamnable ce très mauvais silence extérieur !

Au revoir, et… bon discernement !